Pour connaître toute l’histoire de cette poupée starlette qui trône dans la plupart des chambres des petites filles, cette ouvrage, qui n’a rien de la biographie d’une people, nous dévoile toute la stratégie développée par ces créateurs.
Elle mesure vingt-neuf centimètres; elle ne pèse que cent quarante grammes et pourtant elle cultive la démesure. Elle remplit le coeur des petites filles qui l’adulent et vide le porte-monnaie de leur maman qui la détestent. Elle est américaine et exprime les valeurs que la société américaine tient pour essentielles dans la réalisation de son destin : la richesse, la beauté et la popularité. Femme subversive à ses débuts, conçue pour être offerte à l’adulte, elle envahit toujours les coffres à jouets de nos filles quarante ans plus tard. En adulte objectif, observant la fillette manipuler cet objet ludique, on perçoit l’utilité incontournable de cette poupée femme. Elle permet à l’enfant d’affirmer sa féminité à un moment de son existence où elle ne dispose guère d’autre support. Pour la femme, la poupée Barbie s’impose comme une caricature dévalorisante de la « féminitude ». Barbie symbolise la femme-objet, belle, séductrice et consommatrice ostentatoire, le modèle aujourd’hui rejeté par les femmes qui n’ont pourtant pas d’autre idéal à lui substituer tant la réalité de la femme est mouvante : si Barbie s’impose à la fillette, c’est aussi toute la problématique de l’identité féminine qui s’interpose entre la poupée Barbie et la femme, avec notamment le retrait et l’effacement de la mère. Qu’est-ce qu’être femme ? La futilité de Barbie n’exclut pas son utilité. La première étude de fond sur un véritable phénomène de société.
Qu’en dit l’auteur ?!
Assaillies par les boulets de cette femme canon, si prompte à bouleverser les canons de la femme, bien des mères ont capitulé : « On n’a pas le choix … La mort dans l’âme… ». « Tout de même, me disais-je, c’est pactiser avec le diable ! ». Pour ma part, en effet, c’était clair au départ : ce support de jeu, pour moi, n’était rien d’autre qu’un suppôt de Satan. Et pourtant, j’ai succombé à la tentation. Ne valait-il pas la peine d’analyser cet ambigu combat ? Mais contre qui exactement? Une souriante miniature nommée Barbie. Il faut dire que je n’ai jamais voulu signer la trêve sans conditions : pour avoir refusé de blâmer sans chercher à connaître, j’ai approché « l’emblématique adversaire » dans ce livre intitulé « Barbie poupée totem ». L’ouvrage procède d’un double paradoxe. D’abord celui d’un rejet personnel qui a nourri une curiosité : consciente de l’hostilité que j’opposais à cet objet que mes filles m’ont réclamé lorsqu’elles étaient enfants, j’ai exploré les raisons de ma résistance; ensuite, parce qu’elle est perçue comme le symbole d’une femme objet, Barbie me semblait en dissonance dans une société américaine où précisément les discours féministes portent haut et fort. « Poupée femme pour des femmes poupées », Barbie capitalise-t-elle sur un égarement collectif ou exploite-t-elle les ressorts de la psychologie enfantine ? Que nous livre-t-elle de notre société moderne, de notre représentation de l’enfance ? Que nous dit-elle des identités féminine et masculine ? Mais à propos, où sont les hommes ? Utilement futile cette Barbie !
Marie-Françoise Hanquez-Maincent!
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