Philosophe et psychologue suisse (1896-1980), il s’intéresse d’abord à la mécanique, aux oiseaux, aux coquillages et aux fossiles. Il se passionne ensuite pour la psychologie, la logique et la méthodologie scientifique. Avec Binet et Lalande, il travaille à Paris à l’élaboration des tests d’intelligence puis cherche à reconstituer la genèse ou les phases de formation de l’intelligence.

Son oeuvre est centrée sur le développement cognitif, théorie opératoire de l’intelligence, et sur l’épistémologie génétique, théorie générale de la genèse des connaissances, applicable au monde du vivant.

Sa méthode : il étudiera comment se développe et évolue le monde du réel, avec l’acquisition du mot, du chiffre, du symbole par observation directe de ses propres enfants (méthode passive) et expérimentation avec des objets précis et des dialogues avec l’enfant (méthode active). Il vérifiera ses données en généralisant sur un grand nombre d’enfants.

PIAGET se posera plusieurs questionnements :

  • Quelle différence existe-t-il entre la pensée de l’enfant et celle de l’adulte?
  • Quelle est la vision du monde de l’enfant, et son explication des phénomènes?
  • Quelles filiations conduisent d’une structure de pensée à une autre?

Il aura, dans ses oeuvres, une période clinique où il interrogera des enfants, fera des hypothèses, puis une période d’observations sur ses trois enfants au premier âge, qui seront vérifiées sur un échantillonnage plus important; et enfin une période où il traitera de la théorie opératoire de l’intelligence et de l’épistémologie génétique (psychologie de la genèse et du devenir de l’intelligence).

Sa théorie de l’intelligence

Adaptation :

Pour PIAGET, l’intelligence n’est pas une faculté mentale parmi d’autres, mais une modalité d’une fonction plus générale: « l’adaptation ». Il la définit comme l’état d’équilibre maximum entre un organisme vivant et le milieu. Cette adaptation s’acquiert selon différentes formes ou structures. Ainsi, l’adaptation mentale est un prolongement de l’adaptation biologique.

L’Intégration :

Les opérations cognitives sont différentes selon les paliers de développement mais ne sont pas de simples performances qui s’ajouteraient les unes aux autres. C’est la réalisation d’un système intégratif, chaque opération étant complètement liée à une autre. Chaque structure nouvelle qui apparaît intègre la ou les précédentes comme sous structures.

PIAGET distinguera 4 stades de l’intelligence :

  1. Stade de l’intelligence sensori-motrice,
  2. Stade de l’intelligence pré-opératoire,
  3. Stade des opérations concrètes,
  4. Stade des opérations formelles.

Mais il y a pour lui une continuité fonctionnelle dans le développement de l’intelligence.
Il y a progrès intellectuel grâce à deux mécanismes opposés et complémentaires : l’assimilation et l’accommodation.

Assimilation :
C’est l’incorporation des expériences nouvelles dans des structures existantes. C’est l’intégration, de ce qui est extérieur, aux structures propres du sujet.

Accommodation :
C’est la modification des schèmes (structures) existants, provoquée par les expériences nouvelles.

De fait on peut dire que l’adaptation à l’environnement c’est l’équilibre entre assimilation et accommodation, la régulation entre sujet et milieu, que ce soit d’ordre biologique, affectif, mental ou social.

L’affectivité n’a, pour PIAGET, aucun rôle déterminant dans le devenir de l’intelligence, mais à chaque stade cognitif correspondent de nouvelles organisations des conduites affectives. On peut dire que l’intelligence éclaire l’affectivité, cette dernière en étant un mode d’adaptation.
L’objet est un élément du réel qui a des propriétés de permanence: c’est un invariant (l’objet est identique à lui-même malgré des manifestations différentes. Il conserve certaines qualités comme le poids, le volume, la substance…). L’enfant acquiert ces invariants par des actions, des opérations sur les objets (classification, mise en relation, comparaison, fonction…) lui permettant par là -même d’acquérir les notions d’espace, de temps, de mouvement, de vitesse, de causalité… L’objet se construit par la perception, la manipulation et la réflexion.

Les 4 stades de l’intelligence

L’intelligence sensori-motrice :

Elle s’épanouit de 0 à 2 ans. Avant le langage, l’intelligence du bébé est basée sur l’action du corps sur le milieu, faite de réussites et d’erreurs. C’est un stade expérimental, tâtonnant et non conceptuel, divisé en 6 sous stades:

  • 0 à 1 mois. Utilisation des montages réflexes. Le bébé utilise les réflexes biologiques et l’expérience entraîne une consolidation et un début d’assimilation. Ainsi entre deux tétées, le bébé va sucer son pouce, un coin de drap… Le schème de la succion s’élargit. Mais il y a cependant re-cognition du schème de la succion, car il en reconnaît l’objet original. C’est le mois de l’adaptation réflexe au milieu.
  • 1 à 4 mois. Premières habitudes. L’enfant déborde des conduites héréditaires. Ce sont les premières adaptations acquises et l’apparition des premiers comportements moteurs (fixation du regard, poursuite oculaire…).
  • 4 à 8 mois. Adaptation intentionnelle. L’enfant découvre la résistance et la permanence de certains objets. Il y a intentionnalité dans le comportement.
  • 8 à 12 mois. Coordination des schèmes secondaires. L’enfant agit sur le milieu en coordonnant vue, toucher, ouie… Il est capable de rechercher un objet, lui reconnaît sa permanence.
  • 12 à 18 mois. Meilleure appropriation du corps. L’enfant est capable d’adapter les moyens aux fins. Sa conduite paraîtra de plus en plus imprévisible, personnalisée. Il est capable de manipuler des situations, d’utiliser un objet pour en attraper un autre… Il n’est plus agit par le milieu, mais au contraire transforme celui-ci.
  • 18 à 24 mois. Combinaisons mentales. L’enfant passe du tâtonnement empirique à la combinaison mentale, de la découverte à l’invention, du schème moteur au schème représentatif. Le schème est devenu opératoire. L’enfant est capable de généraliser, de se représenter.

L’intelligence pré-opératoire :
Concerne la période de 2 à 7 ans. C’est l’époque de la pensée symbolique où se développent l’imitation, la représentation, la réalisation d’actes fictifs. Un objet peut devenir le substitut, le représentant d’un autre objet. Ainsi, lors d’un jeu, une pierre deviendra un oreiller, ou une table… Les jeux symboliques seront des moyens d’adaptation intellectuelle et affective. L’enfant transforme, invente. Il y a acquisition du langage, dominé par l’égocentrisme intellectuel. L’enfant ne peut se détacher de son point de vue. La pensée n’est pas réversible mais intuitive, magique, sans avant ni après.

Le stade des opérations concrètes :
l’enfant a alors de 7 à 11 ans. Il est capable de se décentrer dans les domaines cognitif et moral. Sa pensée se socialise. Il prend en compte l’avis des autres. C’est le début de la causalité. L’enfant peut classer, grouper. Il conçoit les modifications et la réversibilité. Il est perméable au raisonnement, s’inscrit dans une temporalité, raisonne de manière concrète en empruntant à sa propre expérience.

Le stade des opérations formelles :
c’est la période qui va de 11 ans à l’âge adulte. L’adolescent est adulte biologiquement et intellectuellement, mais reste un enfant affectivement. C’est le stade des opérations logiques, abstraites, du raisonnement par hypothèses et déductions. La combinaison des idées remplace le raisonnement de proche en proche, utilisé au stade précédent. Ces opérations sont liées à un langage plus mobile et amènent à la construction de systèmes et non à la recherche de solutions immédiates. L’individu élabore ici une représentation d’une représentation.

Pour PIAGET, l’affectivité, ressort de nos actions, ne peut pas s’exprimer si elle n’a pas les moyens fournis par l’intelligence elle même, qui éclaire ses buts.